Signes des temps
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    Professeur Henri Nhi Barte / Gérard Burtheret
Folie intime
Conversations avec ceux qui ont basculé


Professeur Henri Nhi Barte / Gérard Burtheret
First Edition, septembre 2002.



Avant-propos p.7 à 13
Le livre
Donner du sens à l'insensé
Nous ne sommes pas égaux

   Je continue à éprouver des difficultés à m'endormir quand je sais que le lendemain, j'irai à l'hôpital. Si je ressens une angoisse avant d'y aller, c'est que je ne m'habitue pas, et ne parviendrai jamais à m'habituer, à la vision de la désolation, de la désespérance. Hommes et femmes, ils tournent et retournent dans les couloirs du pavillon, sans véritable but, s'assoie sans se voir ni se parler. Ils sont déjà comme des ombres, déambulant, dont le seul projet serait de tirer une cigarette à une infirmière.

   Quand je les avais en face de moi pour des entretiens au cours desquels ils me déposaient leur vie, j'avais alors le sentiment qu'ils revivaient, et j'en éprouvais du plaisir. C'était décidé : je témoignerais pour eux en écrivant, je leur rendrais justice. Je voudrais tant qu'ils vivent libres de tout tourment. Je voudrais tant que le lecteur les entendent vivre. Alors que dans la réalité actuelle, ils se traînent sans fin dans un corridor sans lumière. Voilà pourquoi j'ai voulu écrire ce livre : en les remettant dans le contexte de leur vie, ils ne sont plus des fous : ce sont des personnes humaines.

   Chaque époque de la médecine a eu des idées en vogue, idées ayant valeur de théorie explicative. Certaines sont restées dans le langage courant : "être nerveux", "faire une crise de nerfs", "avoir des vapeurs". De la théorie des humeurs, il nous reste "être de mauvaise humeur". Avec le XIXèmesiècle, la médecine devient scientifique. Les villes sont couvertes d'un halo de poussière soulevée par les voitures à chevaux. On crache partout et tout le temps, et les tuberculeux aussi ! Alors, on pave les rues, bien avant qu'il n'y ait des automobiles, et on les arrose. C'est déjà une politique de la santé dans la ville avant l'heure. En tout cas, cela devait sentir bougrement mauvais. Pas encore de tout-à-l'égout ni de toilettes. Le grand air de la campagne est réputé soigner, en tout cas être moins malsain : c'est une première raison pour éloigner les malades et créer des structures hors de la ville. Et puis, tout comme maintenant, il y a du désordre et de l'insécurité. Un édit de 1756 avait réglé ce problème en instituant un Hôpital général, qui était alors un lieu d'enfermement, et non un lieu de soins, pour les mendiants, les prostitués et les "insensés". Au XIX° siècle, le but est de soigner et de protéger. Le terme "hôpital" ayant acquis une connotation péjorative, on parle désormais d'"asile". Les "insensés" sont devenus des "monomaniaques", des "aliénés", et l'on construit donc ces asiles ; et l'on construit plus loin, bien loin de la ville : la règle est "à une journée de calèche". Au lieu qu'ils soient gardés par leur famille ou errent dans la rue, les malades mentaux sont enfermés, loin des regards.

   De nos jours, la politique change, surtout en raison du poids financier que représentent ces malades. Alors, on les réintègre dans la ville et l'on crée des petites structures d'accueil. Mais notre regard, le regard de la société, n'est pas prêt de changer, lui. Dans la rue, dans le métro, nous nous détournons de ces "insensés" qui hurle leur délire dans la foule dont nous faisons partie. Nous ne voulons pas les voir. Ils nous dérangent. Mais ils existent. Et ce ivre a pour but d'en faire exister quelques-uns un peu plus à nos yeux.


  • Le livre
       Mais qui sont-ils réellement, tous ces "insensés" ? Comment en sont-ils arrivés là ? Quel a été leur trajet individuel, venant les arrimer à l'institution psychiatrique ? De ces questions est né un projet, celui de décrire leur trajectoire, leur trajet de vie. Parler des gens, raconter leur vie, c'est toucher à l'intime. En aviens-nous le droit ? Ah, si j'avais été le thérapeute, le psychologue en charge d'une psychothérapie avec eux, cela aurait été différent. A ce moment là, j'aurais gardé le silence, secret oblige. Mais ce n'est pas ainsi que je me suis présenté. A tous, j'ai annoncé, lors de notre première rencontre, que j'écrivais un livre sur la vie des personnes présentes dans le service et que, de surcroît, j'étais psychologue. Mais à aucun moment, il n'a été question de prise en charge thérapeutique. Ils l'ont bien compris et ont accepter de se raconter. Ma présence a été un peu celle d'un journaliste ou d'un écrivain qui serait en plus psychologue, donc doté d'une qualité d'écoute et de décryptage un peu différente de celle d'un simple journaliste.

       Le présent ouvrage est constitué de vingt-deux histoires d'hommes et de femmes hospitalisé en psychiatrie. Leur séjour peut avoir été ponctuel pour certains, d'autres y seront à demeure. L'idée de départ vient du Professeur Henri Nhi Barte : écrire des trajets de vie ; comment arrive-t-on dans un hôpital psychiatrique ? Derrière se profile la question : "Qu'est-ce que la maladie mentale ?" Il n'y a pas une réponse unique à cette question. Il y a autant que d'individus. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu nous situer dans une perspective médicale, mais bien plutôt dans une perspective humaniste.

       Ce travail est aussi un témoignage. Témoignage de la vie, de l'existence de ces individus en souffrance - en attente -, témoignage de leur humanité. Des humains se racontent. On les écoute si peu ! Si la parole est trop souvent occultée par les soignants, c'est parce que la souffrance de l'autre nous est intolérable, elle nous rappelle trop la nôtre. Au travers de l'écriture, nous avons essayer de mettre en évidence l'éternel humain là où il n'y a que plainte et souffrance, de pointer notre intimité extrême à la folie, pudiquement rebaptisée "psychose". Oui, la folie nous est intime et nous concerne tous. Pas question de dire : "Ce n'est pas moi, cela ne me concerne pas !", les équipes soignantes se réfugient derrière les soins, privilégient l'approche médicale et diagnostique, qu'il ne faut certes pas rejeter, mais qui tend à priver la personne souffrante de sa singularité. Personne souffrante, personne "en souffrance", avec ce que cela sous-entend d'attente interminable, de douleur sans fin.

       Notre question pourrait se formuler ainsi : peut-on parler de "maladie mentale ?" Ne devrait-on pas plutôt parler de difficulté d'être au monde ? Maladie : cela voudrait dire, comme l'affirment certains, que la cause se trouve au niveau du métabolisme cérébral. Oui, bien sûr, il y a des troubles au niveau des neuromédiateurs, des troubles chimiques, mais s'arrêter au discours médical, c'est faire l'impasse sur l'humain. Ces troubles chimiques sont-ils causes ou conséquence ? La question est sans doute mal posée. De toute façon, l'être humain ne peut être réduit à sa chimie interne. L'histoire d'une vie n'est pas chimique ; l'amour, l'attachement, l'espérance, ne sont pas des chimiques. L'humain est bien plus que la totalité de ses parties, il échappe et échappera toujours à toute tentative de cloisonnement, de classement.

       Approche humaniste et approche psychanalytique, sans esprit de système. Nous-nous sommes refusés à privilégier une théorie plutôt qu'une autre. La seule théorie qui vaut est celle de celui qui parle, qui parle de lui-même ; c'est cela qu'il faut écouter, pas une théorie, aussi brillante soit-elle. Bien sûr, dans toute écoute, il y a deux personnes, et celui qui reçoit se sert de sa grille de décryptage personnelle. Il est impossible de rester dans une stricte objectivité. Nous avons tous nos gilles de traduction, très imparfaites. Nous vous proposons les nôtres, parce qu'il est tout à fait impossible de restituer tels quels les entretiens qui ont généré ces vingt-deux récits. Le style narratif de la plupart de ces histoires permet de se décentrer et, par ce décalage, de prendre de la distance. Il est vrai qu'on y perd en objectivité. Mais l'objectivité est tout sauf humaine. L'être humain est par définition un être subjectif. Nous avons tenté de donner du sens là où il n'y paraissait pas, sinon comment s'y retrouver, surtout dans la schizophrénie ?

       Nous avons rencontré des difficultés. Bien des éléments sont venus à nous manquer ; souvent, il a été impossible d'obtenir le moindre souvenir d'enfance. En effet, il est difficile, douloureux, pour celui qui souffre, de faire des liens avec son passé, avec l'enfant qu'il été. Pour lui, ce serait remettre en question ce passé, et donc ses parents. Pour lui, mieux vaut ne pas se souvenir.


  • Donner du sens à l'insensé
       Donner du sens à l'insensé tout en respectant la parole offerte, tel est notre but. Nous avons parler de grille de décryptage. Peu à peu, un point commun entre ces vingt-deux trajets de vie nous est apparu, qui sera notre fil conducteur : toutes ces personnes se battent et se débattent, non pour vivre, non pour exister dans la vie sociale, mais pour être.

       Qu'est-ce que cela signifie, être ? Et être quoi ? Sans doute ne le savent-ils pas eux-mêmes, puisqu'ils le cherchent ; et nous non plus. Mais assistons à une quête forcenée, comme s'il y avait un Graal qu'il suffirait de porter à ses lèvres pour voir toute souffrance disparaître, et alors être. Déjà, notre existence au quotidien n'est pas si facile, alors que dire de notre être !

       Qu'est-ce que l'on est ? Comment se définit-on face aux autres ? La plupart des personnes dont il être question vivent dans l'angoisse de la mort. Non pas d'une simple mort physique, d'une crise cardiaque ; non, ils ont peur de la mort psychique, ils ont peur de ne plus être. C'est ce dont il est question dans leurs "délires". C'est pourquoi cet ouvrage aurait tout aussi bien pu s'intituler La Pulsion d'être.

       Notre quête a donc été celle du sens, là où il n'apparaît pas d'une façon évidente. Le sens ! Un auteur disait déjà, en 1890, que "les mots de nos discours quotidiens ne sont rien d'autre que magie décolorée". Cet auteur, c'était Freud ? Seuls les mots peuvent donner du sens, et eux seuls peuvent apaiser les souffrances et accompagner celui qui ne peut plus vivre comme ça. Et si nous pouvons l'écouter et parler avec lui, de lui, c'est parce que sa folie nous est intime ; nous avons la même folie en nous, nous la portons ; mais il y en a qui ne la connaisse pas, faute d'avoir osé entreprendre une analyse. Cette folie, c'est parce qu'on a pu la connaître et la reconnaître qu'il nous est possible d'aller vers l'autre, de lui tendre la main et de l'accompagner pour le faire sortir de son désert.


  • Nous ne sommes pas égaux
       Ce qui nous apparaît, au-delà d'une réflexion philosophique, c'est qu'il y a plusieurs niveaux à cette question de l'égalité face à la vie, en fonction de la problématique psychique individuelle. La question d'être, de maintenir un sentiment d'être sur le point de disparaître, d'un manque à être, se pose différemment selon l'outillage psychique dont nous disposons. Outillage psychique ? C'est ainsi que nous pouvons nommer les divers mécanisme de défense contre l'angoisse. Tout le monde ne dispose des mêmes outils. Certes nous serions tous égaux à la naissance, peut-être, mais même de cela, je ne suis plus si sûr ; en tout cas, notre environnement, notre famille lorsque nous étions enfant, nous ont aidés à nous développer de façon différente les uns des autres ; et c'est là que nous devenons inégaux.

       Alors que les "outils" interviennent, les fameux mécanisme de défense contre l'angoisse. L'angoisse, sentiment interne. Comment nous en arranger ? Nous avons eu autrefois le sentiment d'être démunis face à un danger, et chaque fois que nous pensons que nous allons être débordés par une situation, l'angoisse revient, comme un souvenir de cette première fois.

       L'angoisse fonctionne comme le désir. Le désir est né d'une première satisfaction autrefois ressentie : c'est un bébé qui a enfoui le souvenir d'avoir été gorgé du lait maternel. Toute sa vie, il voudra retrouver cette satisfaction première, oubliée à travers les relations avec les autres, en particulier dans la sexualité. Eh bien, l'angoisse, c'est pareil ; nous avons éprouvé autrefois un sentiment, aujourd'hui oublié, d'envahissement, de perte ou d'abandon, face auquel nous nous sommes trouvés démunis. Nous ne sommes que des êtres de désir et d'angoisse. Chacun invente ses propres armes et invente ce qu'il peut pour parer les coups de la vie qui lui font ressentir sa fragilité interne et ce vieux sentiment de dénuement : qui, en rêve, ne s'est jamais retrouvé nu dans la rue ?

       Pour trouver le sens perdu qui émerge du délire et des angoisses folles, il faut remonter le temps. La machine à remonter le temps existe : c'est la parole ! Nous mettrons donc des mots pour couvrir des vides de l'angoisse, les blancs de l'être. N'ayez pas peur ! Entrez en Folie derrière nous...









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