Folie intime
Conversations avec ceux qui ont basculé
Professeur Henri Nhi Barte / Gérard Burtheret
First Edition, septembre 2002.
Les passants p.21 à 24
La crise
La vie est parsemée de crises. Ce sont des moments de remise en question du sens que nous nous étions donné jusqu'alors. Un événement peut apporter le doute. Un enfant quitte la maison ; un époux part avec une autre pou regarde ailleurs. La perte d'un emploi, même, constitue une remise en question de nos compétences et de ce que nous sommes ; "Qui suis-je ?", "Qu'ai-je été jusqu'à présent ?", "Qu'est-ce que je vais devenir ?" sont les bonnes questions. Et les poser est un signe de bonne santé, d'équilibre, c'est regarder la réalité en face.
Plus on est fragile, moins ces questions peuvent monter à la conscience ; tout simplement parce que plus l'équilibre est précaire, moins on est disposé à changer de position. Une crise est toujours annonciatrice d'un changement. Certains ne peuvent se changer ; il faut les y aider. Il constitue la cohorte de nos "passants". Pour eux, sans doute, les premières crises de la vie et les premiers changements de condition ont été mal acceptés. Le cinquième mois, celui de l'évidence de l'autre, la crèche, l'école, l'adolescence, autant de passages obligés, de crises à résoudre. Ce que l'on appelle "crise" dans le vocabulaire courant, c'est précisément quand il y a achoppement. Les premières crises sont comme les prototypes des crises futures, celles qui se présenteront à nous dans la vie. C'est pourquoi l'analyse va toujours chercher les causes premières, lointaines, souvent oubliées, pour résoudre le présent et ouvrir un avenir. La vie n'est pas comme une course où l'on butterait sur des obstacles. On pourrait alors se relever et franchir les autres. En réalité, nous revivons chaque changement en respectant les mêmes procédures. Procédures, c'est-à-dire mécanismes de défense contre l'angoisse qu'apportent les changements. S'ils sont inappropriés, on ne pourra faire face à la réalité. A l'échec du passage succèdera la souffrance qu'il véhicule. C'est pourquoi les traitements sont indispensables. Ce n'est pas encore le temps de la parole. Il faut d'abord apporter un apaisement. Alors, seulement, on pourra parler.
Vous voulez participer à quelques-uns des moments de parole de cinq de ces passants.