En étudiant les polémiques éternelles autour de l'étude du phénomène ovni, on croise souvent la piste d'un sociologue télégénique, auteur d'un certain nombre d'ouvrages et articles. La chasse aux anciennes revues et publications étant une activité laborieuse, je fus bien heureux de découvrir que la bibliothèque nationale française offrait sur son serveur Gallica la lecture d'un de ses articles : "Enquêtes sur les soucoupes volantes" - La construction d'un fait aux Etats-Unis (1947), et en France (1951-1954) Par Pierre Lagrange.
Pierre Lagrange cacherait-il derrière un masque de sociologue soucieux d'honnêteté un véritable rationaliste capable de travestir ses sources d'information ? Le choix du capitaine E.J. Ruppelt pour ouvrir et refermer cette étude de la soucoupologie n'est pas innocent. Ruppelt n'était pas vraiment un enthousiaste de l'hypothèse matérielle des ovni quand il enquêtait sur les ovni en tant que responsable du projet Blue Book. L'Air Force avait une priorité : expliquer le phénomène. Prouver au public que ce n'étaient que ballons sonde et autre planètes Vénus et non des vaisseaux venus de Mars pour nous envahir. Alors quand il a démissionné et que deux ans plus tard il a publié un livre sur ses années au coeur de la grande enquête, les partisans de l'hypothèse extraterrestre étaient ravis de voir son opinion enfin révélée. Les soupçons de cachotteries de la part de l'Etat se trouvaient confirmés, et l'intérêt pour les soucoupes relancé. Alors dans cet article réductionniste il n'est pas hasardeux que l'auteur choisisse ce porte-parole pour lui faire dire ce qu'il n'a jamais dit.
En effet, le capitaine Ruppelt relatait le témoignage suivant dans le premier chapitre de son "Rapport sur les Objets Volants Non Identifiés".
Lors de l'été de 1952 un chasseur à réaction F-86 de l'Armée de l'Air des Etats-Unis a ouvert le feu sur une soucoupe volante. A Dayton, USA - Ohio, Ruppelt est appelé à enquêter sur une chasse étrange à l'ovni ayant eu lieu peu de temps auparavant. Un écho au comportement anormal est surveillé sur un radar, inquiétant suffisamment les officiers pour que deux chasseurs soient envoyés en reconnaissance. L'un d'eux réussit à pourchasser quelques minutes le "beignet sans trou" d'aspect métallique jusqu'à finalement lui tirer dessus, voyant sa cible lui échapper.
Lagrange, 40 ans plus tard, transforme le récit de l'enquêteur Ruppelt pour donner l'information suivante, dans les colonnes de la revue "Terrain", en mars 1990. L'affaire y fait l'objet d'anecdote finale pour cet article de rationalisation sociologique de l'ufologie : "les soucoupes du ciel de Dayton deviennent des ballons-sondes. Ainsi, en se déplaçant à travers une série de récits, de documents, de photos, en rapprochant l'affaire d'autres qu'il (Ruppelt) avait déjà analysées au lieu, comme chacun des témoins, de coller à sa propre observation, l'enquêteur Ruppelt a descendu trois nouvelles soucoupes".
En conclusion, j'ai plutôt l'impression que Ruppelt ne fait que nous faire part d'un doute : le pilote a-t-il menti, au risque d'affronter la cour martiale ? Le témoignage humain reste la pièce maîtresse du rapport OVNI.
Le premier commentaire de l'officier quand j'eu finit la lecture du rapport fut "Qu'est-ce que vous en pensez ?"
Puisque de l'évaluation du rapport dépendraient des conflits entre personnes que je ne connaissais pas, je ne pu risquer aucune opinion, excepté que l'incident avait engendré le plus fascinant rapport d'OVNI que je n'ai jamais vu. Aussi je renvoya sa question à l'officier du renseignement.
"Je connais quelques personnes impliquées", répondit-il, "et je ne pense pas que les pilotes étaient des crétins. Je ne peux vous donner le rapport puisque le Colonel m'a demandé de le détruire. Mais j'ai pensé que vous devriez en avoir connaissance."
Plus tard il brûla le rapport.
Les problèmes impliqués dans ce rapports sont typiques. Il y a certains faits définis qui peuvent en être extraits ; le pilote a vu quelque chose et il a bien tiré sur quelque chose, mais peu importe la façon dont vous enquêtiez sur cet incident rien ne peut jamais être positivement identifié. Cela aurait pu être une hallucination ou quelque véhicule de l'espace ; personne ne le saura jamais. C'était un OVNI.
Extrait de "Report on Unidentified Flying Objects" par Edward J. Ruppelt sur le site du NICAP :
When I finished reading, the intelligence officer's first comment was, "What do you think?"
Since the evaluation of the report seemed to hinge upon conflicts between personalities I didn't know, I could venture no opinion, except that the incident made up the most fascinating UFO report I'd ever seen. So I batted the intelligence officer's question back to him.
"I know the people involved," he replied, "and I don't think the pilot was nuts. I can't give you the report, because Colonel told me to destroy it. But I did think you should know about it." Later he burned the report.
The problems involved in this report are typical. There are certain definite facts that can be gleaned from it; the pilot did see something and he did shoot at something, but no matter how thoroughly you investigate the incident that something can never be positively identified. It might have been a hallucination or it might have been some vehicle from outer space; no one will ever know. It was a UFO.
|
Je me pose donc la question, et peut être vous lecteur occasionnel de ces pages pourrez m'aider dans ma recherche, Pierre Lagrange est-il vraiment honnête dans son discours ? Quelqu'un a-t-il déjà fait l'étude du discours de Pierre Lagrange ? Son avis sur la question des ovnis, à Pierre Lagrange lui-même, a-t-il changé après la parution de cet article, à la lumière des triangles noirs de Belgique par exemple ? Il n'est pas innocent que ce soit le commandant Ruppelt qui ait été choisi par le sociologue pour conclure cette étude, celui-ci est une des figures de proue du mouvement rationaliste. Mais pourquoi travestir son discours déjà suffisament étayé par lui-même ?
|
|